Durant l’hiver de 1881, une petite fille apparaît dans la campagne anglaise. Alors que l’hiver est rude, elle ne semble pas avoir froid. Comment a-t-elle pu survivre seule dans la forêt ? Impossible de trouver une réponse ni de savoir d’où elle vient. Albert, qui a croisé son chemin, ne peut la prendre sous son aile, mais lui donne un prénom : Manon. Il dépose alors l’enfant à l’Institut des Filles de Saint-Agnès. Là-bas, ils sauront s’occuper de Manon et lui apprendre ce qu’elle doit savoir. Pourtant, les années passent et les origines de la petite fille sont toujours auréolées de mystère, d’autant que l’enfant ne dit pas un mot. Personne ne sait d’où elle vient ni pourquoi elle ne parle pas. Et alors qu’elle se contente de poser sur le monde ses yeux rouges, elle découvre que des hommes sont à trousses et que son histoire est marquée d’un sillon sanglant. Qui est-elle ? Pourquoi des hommes semblent-ils à sa recherche ?
« Tous en rajoutaient des tonnes… y mêlant quelques fois une touche de vérité.
Et c’est précisément cette vérité qui pouvait se révéler mortelle.
A sortir les squelettes de l’armoire, on peut vite se retrouver cadavre à son tour. »
Alice Brière-Haquet nous propose un roman sombre et mystérieux qui prend place en Angleterre, durant l’époque victorienne. Son Angleterre est nimbée de fantastique, mais elle est aussi marquée par Jack l’Eventreur et par les théories de Darwin et son Origine des espèces. D’ailleurs, l’ombre de Jack l’Eventreur plane toujours sur Londres, menaçante. Sanglante. Plus sanglante que l’histoire de Manon ? Peut-être pas…
« Notre société rattache l’enfance à la notion d’innocence, mais en réalité l’enfance est surtout le moment de l’inconscience : les normes de la société n’ont pas encore entravé la liberté d’agir, et c’est avec ses instincts primaires que l’enfant fonctionne. Il est sans méchanceté, mais sans bonté non plus, et peut sans arrière-pensée se rendre coupable des pires cruautés. »
De nombreuses voix se croisent et tissent progressivement la toile de l’intrigue, tel un cocon sombre et dangereux. Nous en apprenons plus sur Manon, même si l’ensemble reste mystérieux. Heureusement, des lettres apportent des réponses à l’intrigue, aussi mystérieuses que passionnantes. Nous découvrons ainsi qu’un scientifique de renom aurait fait des découvertes merveilleuses et s’en serait confié à Darwin. Quelles sont ces découvertes ? Qui est Manon ? Quel est son lien avec l’enfant ? Qu’est-ce que la Fondation ? L’autrice est avare de détails et distillent ses révélations lentement, très lentement, pour mieux nous entraîner dans son récit.
« Pourquoi s’acharnaient-ils ? C’était stupide. Mais ces presque sept années d’observation avaient mené Manon à la conclusion que les humains se complaisaient volontiers dans la stupidité : leur vie était stupide, leurs peurs étaient stupides, leurs rêves, même, étaient stupides. Quelques chiffres leur tenaient lieu de valeurs. Des notes pour les enfants, des sous pour les parents, tout le monde était content. Chacun pouvait se classer et vérifier qu’il avait plus que le voisin, ou bien l’envier. La seule force qui les animait, leur véritable feu intérieur, était l’orgueil. »
Si la tension et le mystère restent les ingrédients principaux de l’intrigue, Alice Brière-Haquet ne pose pas moins un regard critique sur l’humanité et ses travers, sur la recherche scientifique, le besoin de tout comprendre et classifier au détriment de la nature, du respect de toute chose et de l’empathie.
Un roman surprenant qui navigue entre poésie, horreur, mystère et fantastique. Je ne peux que vous inviter à le découvrir !
Merci aux Editions du Rouergue de m’avoir permis de découvrir ce roman !
Phalaina, Alice Brière-Haquet,
Editions du Rouergue (Epik), 26 août 2020,
336 pages,
15,00€